Parmi les grands auteurs, les piliers de la S.F américaine, s’en trouve un que j’aime particulièrement : Robert Silverberg. Ses histoires sont toujours accessibles, bien construites et comme par hasard, ont de nombreux liens avec l’Antiquité. Il a ainsi narré une uchronie où les Romains domineraient encore le monde (Roma AEterna, 2003) ou à même réécrit le mythe d’Orphée (Le dernier chant d’Orphée, 2012). Pour ma part je l’ai surtout découvert avec L’homme dans le labyrinthe (1970), qui est vraiment très riche par son lien avec un mythe bien précis :
Alors non, contrairement à ce que pourrait faire penser le titre, il n’y a rien à voir ici avec le fameux labyrinthe de Dédale et avec le Minotaure que doit tuer un preux héros. La référence mythologique est plus obscure : il faut lire la tragédie Philoctète de Sophocle pour s’en rendre compte. Philoctète est un guerrier grec peu connu de la guerre de Troie. Ami d’Héraclès, il en possède le fameux arc et ses flèches empoisonnées. Mais avant d’arriver à Troie, une blessure pestilentiel (et ses terribles cris de souffrance) oblige Ulysse à l’abandonner sur l’île de Lemnos. 10 ans plus tard, il devra cependant venir le récupérer quand un devin annonce que seuls les flèches du bannis feront gagner la guerre… Voici un portrait de ce héros par Jean-Baptiste Carpeaux, exposé au Musée des beaux-arts de Valenciennes :
Dans le livre, le labyrinthe est une planète entière : Lemnos (ah ah!). Une mission spatiale y est envoyée pour récupérer Muller, agent diplomatique qui après une mission qui l’a rendu inapte à la vie sociale, est parti se réfugier au cœur des méandres de ce lieu rempli de pièges. La mission a pour ordre de le ramener alors qu’une invasion extraterrestre menace la Terre et que Muller est le seul médiateur possible. Le lien est ainsi évident entre le mythe grec et l’épopée intergalactique
D’autant plus que Silverberg comme Sophocle s’intéresse vraiment à la psychologie des personnages, à leurs drames internes. On comprend les raisons qui ont poussé Muller à la lisière de la folie et son dilemme sur les raisons de renouer avec une humanité qui l’a d’abord chassé. L’homme dans le labyrinthe ferait ainsi tout autant une bonne pièce de théâtre sous la forme d’un dialogue entre cet homme perdu et l’équipe de sauvetage prête à tout pour le récupérer vivant.
De la très bonne S.F enrobée de mythologie (avec un héros sous exploité tant chez les auteurs antiques que actuels), que l’on peut trouver pour moins de 2€ sur la toile (merci les vielles éditions !)