Duel : Œdipe d’Ingres vs Médée de Delacroix !

Retour en arrière, nous sommes en décembre 2013 ! Arrive alors au Louvre à Lens pour un an, l’œuvre Oedipe explique l’énigme du sphinx de Jean-Auguste-Domininque Ingres. Chef d’œuvre mythologique du XIXe siècle, il m’amuse de l’opposer à l’œuvre de son concurrent de l’époque :la Médée Furieuse d’Eugène Delacroix, conservée au Palais des beaux-arts de Lille. Alors, c’est qui le plus fort ? Opposition en 5 points !

 

# Qui a peint le plus de mythologie ? Ingres

Chez Delacroix, à part la Médée Furieuse (qui l’a certes occupée un certain temps), pas d’autres œuvres d’importance. Alors que pour Ingres, tout s’est fait dans sa jeunesse : entre le moment où il a gagné le Grand Prix de Rome en 1801 et son voyage là-bas, il a peint outre Œdipe, de nombreux autres mythes : La Naissance de Vénus, le fameux Jupiter et Thétis, Romulus…

 

# Qui connait le plus ses textes antiques ? Delacroix

La plupart des peintres de l’époque devaient connaitre les grands auteurs de l’Antiquité. Ingres a bien dit que l’Iliade était « sa Bible » mais ici on ne s’occupe que de Médée et Œdipe. Delacroix s’est alors clairement inspiré de la tragédie du latin Sénèque pour la violence de sa magicienne. Pour Ingres, son Œdipe était avant tout une étude de nu masculin qu’il devait envoyer à Paris.

 

# Le héros le plus tragique ? Exæquos

Qui a eu la pire vie entre la terrible Médée qui poignarde ses deux enfants par jalousie ou Œdipe qui grâce à sa victoire sur le sphinx va épouser et coucher avec sa mère ?

 

# Quelle œuvre a été la mieux accueillie ? Médée

Les critiques parisiens n’ont pas été tendre avec la peinture d’Ingres. Il a du agrandir son tableau pour donner plus de force à la scène (avec un Sphinx plus développé et l’ajout du personnage qui s’enfuit). Alors que le tableau de Delacroix a dès son envoie au Salon de 1838 attiré tous les éloges. Voici par exemple les mots de l’écrivaine Georges Sand à Delacroix : « Je voudrais bien ne pas partir sans vous dire adieu, sans vous parler de Médée qui est une chose magnifique, superbe, déchirante : décidément vous êtes un fameux barbouilleur

 

# Laquelle a le plus de succès aujourd’hui ? Œdipe

Le problème de ces deux peintures, c’est qu’elles sont entourées d’autres chefs d’œuvres. Au Louvre ou à Lille, elles sont toujours bien exposées mais souffrent  de la Joconde, Vénus de Milo… à Paris et de Rubens, Donatello, Rodin à Lille. Or Œdipe a été mis sous le coup des projecteurs lors de sa venue au Louvre à Lens en 2014. Le musée a alors créé un programme rien que pour lui : théâtre, projection de films, ateliers pour enfants…

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Bilan : Match-nul ! En tant que chercheur-médiateur tendant à l’objectivité, je ne pouvais pas prendre partie de toute manière.

# Pour en savoir plus : Les notices des œuvres dans leurs musées respectifs :

 

Merlin et Jason chez les Celtes

Je vais vous parler aujourd’hui d’un livre dont le scénario est l’un des plus fous que j’ai jamais lu !

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Voici les éléments de bases :

  • Merlin est un être un peu hors du temps qui navigue dans notre monde. Il a fait parti de l’expédition des Argonautes où il était l’enchanteur du héros grec Jason. Or à la fin, Médée, la femme de Jason, tue leurs deux garçons. Jason se fait enfermer au fond d’un lac scandinave par l’esprit de son fameux navire : Argos.
  • Des centaines d’années plus tard, Merlin découvre que Médée n’a pas tué ses enfants mais les a fait voyager dans le temps. Il décide de réveiller le vieux Jason qui constitue un nouvelle équipage pour retrouver ses fils.
  • Tout cela se passe dans un cadre historique très précis, en -279 lors d’une grande attaque des Celtes sur la Macédoine et le sanctuaire grec de Delphes.

Une situation de base un peu chargée non ? Il est vrai que si vous n’êtes pas familiers de Jason et de ses exploits, vous allez avoir un peu du mal à entrer dedans. De plus, le traitement de Merlin est très spécial, on est parfois à deux doigts de le…détester ! Il est dépeint comme un homme sans trop d’émotions, soucieux de ne pas s’impliquer, et guidé par son seul destin. Difficile alors de s’attacher à lui.

Mais l’auteur a beaucoup d’imagination, l’articulation entre Mythologies et Histoire est bien équilibrée, l’ambiance est si envoutante qu’on se laisse finalement emporter dans cet univers. Il s’agit du premier volet d’une trilogie qui se nome le Codex Merlin, qui vraisemblablement traite de la vie du magicien jusqu’au roi Arthur

Sinon, cette histoire de Jason repartant pour une nouvelle épopée m’a rappelé une bande-dessinée très sympathique publié chez Glénat : Les Derniers Argonautes. Autre histoire mais toujours cette vision d’un Jason vieilli et plein de haine et d’honneur, la présence de magie, d’une Amazone… C’est marrant de voir comment cette épopée inspire toujours !argonautes.jpg

La terrible sorcière de Lille

Médée Furieuse, Eugène Delacroix

1838, huile sur toile, Palais des Beaux-Arts de Lille, P 542.

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© Lille, Palais des Beaux-Arts

Œuvre maîtresse du Palais des Beaux-Arts de Lille, elle raconte pourtant un des épisodes les plus terrifiants de la mythologie grecque.

Cette peinture fut présentée au Salon de 1838 (prestigieux lieu d’exposition de l’Art à Paris). Delacroix est déjà très célèbre, son fameux tableau : La liberté guidant le peuple datant de 1830. Il est alors au centre des querelles entre les partisans du Romantisme et ceux de l’Académisme. Ici, le peintre s’inspire d’un épisode mythologique tragique : Médée s’apprête à tuer ses deux enfants. La lumière venant de l’ouverture de la grotte à gauche permet de jouer sur les ombres. Elle met en valeur les formes des corps ainsi que les couleurs du vêtement de Médée. Les trois personnages sont organisés de manière pyramidale avec le poignard comme seul élément vertical. Delacroix a beaucoup réfléchi à cette œuvre puisqu’on en a retrouvé des croquis datant de 1818. Elle fut achetée lors du Salon par l’État qui l’envoya au Palais des Beaux-Arts de Lille dès 1839. Le musée possède aussi vingt-sept dessins de l’artiste, en lien avec le tableau, qui montrent toute sa minutie pour trouver la meilleur composition possible. De nombreuses copies furent réalisées, vous pouvez en voir une au Musée Benoît de Puydt de Bailleul.

La magicienne Médée est souvent plus connue pour l’épisode de la Toison d’Or. Fille du roi de Colchos, elle aida le héros grec Jason à s’emparer de ce trésor gardé au palais par un féroce dragon. Jason décida alors de l’emmener avec lui et de l’épouser. Arrivé en Grèce, il devait récupérer son royaume dirigé par son oncle. Médée par un sortilège fit découper ce dernier en morceaux par ses filles. Obligée de s’enfuir avec Jason, ils trouvèrent refuge à Corinthe où ils eurent deux fils. Mais pour des raisons tant politiques que sentimentales, Jason décida d’épouser la fille du roi de la ville. Médée, furieuse et blessée envoya une robe qui brûla vive sa concurrente puis décida pour punir Jason, de tuer leurs enfants. C’est la scène qui est représentée ici. Elle arriva ensuite à s’enfuir et commit d’autres crimes, notamment à Athènes avec un autre grand héros : Thésée.

La plupart de ces épisodes de la vie de Médée sont présentes au Musée du Dessin et de l’Estampe originale de Gravelines dans des gravures de René Boyvin.

Médée et Ajax par une super graphiste !

Il est plus que temps de vous parler de ces petites choses qui ornent mon blog et que je porte en bandoulière pour offrir à qui veut !

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Ces dessins ont été crée par une amie au talent de fou, Claire Briand.

Mon cahier des charges était alors simple, je voulais qu’elle parte d’œuvres de la région pour m’en faire des petits personnages trop mignons. Je lui ai alors proposé la Médée Furieuse de Delacroix conservé au Palais des Beaux-arts de Lille (et une copie au musée de Bailleul) et sur le Suicide d’Ajax, un vase grec du Musée de Boulogne-sur-Mer.

ajax et médée

Deux légendes horribles. Un guerrier grec qui se prépare à se suicider et une sorcière qui va tuer ses enfants. Or justement comment rendre attachant ces chefs d’œuvre, comment leur donner une allure plus enfantine, accessible ?

Claire a alors vraiment un univers qui permet cela, de donner de la chaleur et un nouveau regard plein de vie à ces œuvres déjà magnifiques. Voici d’ailleurs son site :http://clairebriand.wix.com/clairebriand#!resume/cegp

J’adore quand des gens me donnent leurs visions d’œuvres mythologiques. Un grand merci  à Claire d’avoir été la première, et j’espère, pas la dernière…